Des fleurs comme matériau
« J’étais dans une école où l’on pouvait facilement mener ses propres expériences, c’était permis. Au bout d’un moment, j’ai commencé à considérer les fleurs comme un matériau. Si vous les voyez comme une matière, telle que le bois, le métal ou encore la céramique, vous réalisez assez vite tout ce que vous pouvez en faire. Au bout d’un certain temps, j’ai pu développer toutes sortes d’utilisations possibles, combinant les fleurs à de la résine – un autre matériau avec lequel je travaillais. Et là, ça y est, j’avais trouvé la combinaison idéale. Et puis j’ai commencé à injecter des bactéries dans les fleurs, pour les métamorphoser en un matériau vieillissant, pour les immerger ensuite dans de la résine. En tant qu’artiste, je ne m’identifie pas aux fleurs. Elles ne sont pour moi qu’un support, un matériau me permettant d’exprimer mes pensées. Un autre projet peut être totalement différent. »
Le succès par la reconnaissance
Les œuvres de Marcin Rusak sont bien accueillies. Ses créations ont été exposées dans de nombreuses foires internationales. « Je pense que j’ai eu beaucoup de chance. Le fait que les gens aient pu contempler, voir et toucher mes œuvres, leur a permis de se rendre compte de la profondeur de mon travail. Au sens propre comme au figuré d’ailleurs. Je pense que le succès de la Collection Flora est dû entre autres à une combinaison d’esthétisme et de variations. Les gens reconnaissent le côté éphémère et vivant de mon travail et c’est ce qui leur plait. »
"Les gens reconnaissent le côté éphémère et vivant de mon travail et c’est ce qui leur plait."
De la poubelle à l'oeuvre d'art
« J’utilise beaucoup de restes de fleurs. Des fleurs qui, autrement,seraient jetées par les fleuristes ou compositeurs floraux. Au début, j’allais sur les marchés et je faisais les poubelles, à la recherche de fleurs utilisables. La récolte était maigre, surtout pendant les froids matins d’hiver. Mais plus tard, j’ai commencé à tisser un réseau de relations avec des fleuristes. Je peux désormais passer les voir à leur boutique et faire mon choix parmi les fleurs destinées à la poubelle : des restes de grands projets ou des fleurs qui ne sont tout simplement plus vendables. C’est assez particulier de créer une œuvre temporaire ou permanente avec un produit naturel, qui normalement ne vit pas plus de deux semaines chez vous. Normalement, on jette un bouquet de fleurs lorsqu’elles commencent à se faner, mais dans mon travail, c’est en fait la partie du processus que je préfère. Ces cinquante nuances de beige me parlent bien plus qu’une seule belle couleur. Les fleurs presque méconnaissables et vouées à la poubelle sont mes préférées. Aucune autre fleur, même à l’apogée de sa floraison, ne la surpasse en beauté. »
Étapes artistiques
« Mon travail a commencé quasiment en réaction à la société de consommation actuelle. En réaction aussi à la manière dont nous traitons certaines choses qui nous entourent, que nous considérons comme importantes, mais dont on ne se soucie guère au bout du compte. Toutes ces choses que nous achetons mais qui finalement terminent à la poubelle. Leur sort nous intéresse peu finalement. En limitant un objet dans le temps, vous permettez à quelqu’un de réfléchir sur la valeur du temps qui reste (à vivre) à cet objet. Prenons l’exemple d’un vase. Si un vase sert à rassembler des fleurs, mais ne peut pas être transmis à une génération suivante, vous allez dans ce cas développer un lien particulier avec cet objet. Les objets que je fabrique ont chacun leur propre durée de vie, de six mois à dix ans. Tout dépend entièrement de la manière dont nous traitons les choses et laissons agir ou non les facteurs extérieurs. La chaleur ou l’humidité par exemple peuvent faire moisir ou fondre mes œuvres, mais si vous les placez chez vous, un peu en retrait de la lumière directe du soleil, vous pourrez alors en profiter bien plus longtemps. Certaines de mes œuvres pourraient périr dans le jardin en quelques mois. »
" Certaines de mes œuvres pourraient périr dans le jardin en quelques mois."
D’une ville à l’autre
« Je suis d’origine polonaise. J’ai grandi et passé les premières années de ma vie d’adulte en Pologne. À 23 ans, j’ai déménagé aux Pays-Bas pour mes études. Mon diplôme en poche, je suis parti à Londres. Avec ses nombreux festivals, évènements, galeries et foires, j’étais au bon endroit pour mon travail. Aujourd’hui, je suis tout le temps en route. Londres, Rotterdam, Varsovie. Je voyage à partir de ces trois villes. Heureusement, car si je devais vivre et travailler trop longtemps dans un endroit, je ressentirais le besoin de déménager. Je termine actuellement deux installations à Rotterdam. Des tables de salle à manger extrêmement lourdes, totalement noires. L’une partira pour Londres, l’autre pour New York. Cela fait six mois que je travaille sur ce projet. Il a d’abord fallu trouver les bonnes fleurs et rapidement ensuite, fabriquer la structure en métal. J’ai hâte de voir le résultat ! Ça devrait vraiment être sympa ! Enfin, je l’espère ! »
J’ai grandi dans une serre
« J’ai grandi dans une serre. Je viens d’une famille d’horticulteurs de longue date, qui a commencé à travailler dans ce secteur bien avant les années 1900, jusqu’à ma naissance, en 1987. Jouer et faire des cabanes parmi des bâtiments et serres abandonnés faisait partie de mon univers quotidien. Rien de plus normal pour moi et d’ailleurs, je ne connaissais pas autre chose. Durant mon enfance, j’ai surtout vu des choses décrépir. Des bâtiments, mais aussi les fleurs qui restaient. Ce n’est qu’à l’école des beaux-arts que j’ai commencé à envisager les choses sous un angle décoratif. La décoration est souvent liée à la nature. Je crois que c’est d’ailleurs pour cela que je me suis mis à travailler avec des fleurs. Ça fait vingt ans. »
Collaboration & signature
« Quand j’ai commencé, je faisais tout moi-même. J’allais chercher les fleurs, je m’occupais de la paperasse et je réalisais aussi des clichés pour mon site internet. Heureusement, aujourd’hui, je peux faire appel aux bonnes personnes et compter sur leur expertise. Parfois je travaille seul sur un projet, d’autres fois en duo. Mon travail est facilement reconnaissable. J’aime les lignes épurées, minimalistes, et la mise en avant des matériaux. Le résultat final dépend de l’œuvre. Je suis toujours extrêmement content quand les clients m’envoient des photos de l’endroit où elle se trouve. Une maison particulièrement belle est bien sûr un endroit idéal. Mais finalement, ce qui compte c’est la manière dont la lumière trouve naturellement sa voie à travers les œuvres. Elle révèle alors toutes les ombres et couches dissimulées. Donc, oui, je dirais, chaque endroit doté d’une lumière naturelle est idéal pour un objet signé Marcin Rusak. »
Pour savoir plus...
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